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L’évasion fiscale et les paradis fiscaux

Comment contrôler la localisation des profits des grandes entreprises multinationales ? En quoi le développement de ces systèmes «off-shore» est-il lié à la montée en puissance du pouvoir de la finance dans l’économie mondiale ? Comment un vaste réseau de paradis fiscaux a-t-il été construit dans la seconde moitié du 20e siècle sur les vestiges des anciens empires coloniaux ?

Le commerce « intra-firme » est constitué des transactions réalisées entre les différentes unités d’une même entreprise multinationale. Il donne lieu à d’importants flux financiers, représentant environ 40% du commerce mondial. Or, cette circulation de monnaie n’a pas toujours pour contrepartie un échange de biens et services. Elle correspond parfois au paiement de services purement fictifs, ou à la surfacturation de services réels. Le seul but de ces opérations est de localiser les bénéfices du groupe dans des pays prélevant très peu d’impôts. Ainsi, en 2012, le groupe Amazon n’a payé que 2,8 millions d'euros d’impôts en Grande-Bretagne, soit un montant légèrement inférieur à celui des subventions fiscales qu’il a reçues, alors même qu’il réalise dans l’île un chiffre d’affaires d’environ 5 milliards d’euros. En effet, l’essentiel des ventes effectuées par Amazon en Grande-Bretagne sont facturées au Luxembourg. De même, la filiale luxembourgeoise « Fiat Finance and Trade » surfacture des services financiers aux usines automobiles du groupe Fiat implantées dans toute l’Europe. Et les filiales européennes de McDonald versent 10% à 20% de leur chiffre d’affaires à une filiale luxembourgeoise pour exploitation de la marque.

Si ces revenus avaient été localisés dans les pays où sont implantées ces filiales, ils auraient engendré d’importantes recettes fiscales pour les États concernés. Outre les pertes causées par cette évasion fiscale, il faut tenir compte de celles imputables à la fraude. Selon la Commission européenne, la fraude et l'évasion fiscales représentent chaque année une perte de recettes de 1 000 milliards d'euros pour les États de l’UE. Soit environ 7% du PIB européen.

Pour lutter contre ces phénomènes, il est essentiel de mettre fin à l’opacité. Pourtant, le 27 novembre 2015, l’informaticien Hervé Falciani a été condamné par contumace à cinq ans de prison par la justice pour avoir révélé des documents relatifs à la façon dont la banque HSBC avait contribué en 2006 et 2007 à la dissimulation de 187 milliards d’euros dans des paradis fiscaux. En décembre 2014, Antoine Deltour, ancien salarié du cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers, a été inculpé par la justice luxembourgeoise pour avoir contribué à la révélation des accords fiscaux de sociétés multinationales comme Amazon ou Pepsi avec le fisc luxembourgeois.

L’évasion et la fraude fiscales sont une atteinte aux principes démocratiques les plus élémentaires. Elles réduisent les moyens de l’action publique, érodent le consentement à l’impôt et développent les inégalités. De plus, les paradis fiscaux sont utilisés pour siphonner les ressources de nombreux pays africains. Ce pillage a non seulement été le fondement d’un véritable pacte entre de grandes entreprises et des régimes dictatoriaux, comme ceux d’Omar Bongo ou de Joseph-Désiré Mobutu, mais il a en outre contribué au déclenchement de plusieurs conflits armés, dont certains ont fini en génocide.

Comment contrôler la localisation des profits des grandes entreprises multinationales ? A la suite de la crise financière de 2008, le G20 a mandaté l’OCDE pour « faire en sorte que les entreprises multinationales paient leurs impôts là où les activités économiques étaient effectuées et là où la valeur était réellement créée ». Le 5 octobre 2015, l’OCDE a annoncé l’accord de soixante-deux pays pour l’adoption du plan BEPS (« Base erosion and profit shifting »). Ce plan mettra-t-il un terme aux scandaleuses pratiques de l’évasion fiscale ? La transparence sera-t-elle enfin mise en œuvre ?

En 2013, Gabriel Zucman estimait que 8% du patrimoine financier mondial des ménages se trouvait dans les paradis fiscaux, soit 5 800 milliards d’euros. En quoi le développement de ces systèmes « off-shore » est-il lié à la montée en puissance du pouvoir de la finance dans l’économie mondiale ? Comment un vaste réseau de paradis fiscaux a-t-il été construit dans la seconde moitié du 20e siècle sur les vestiges des anciens empires coloniaux ? La France ne devrait-elle pas interdire à ses banques et à ses entreprises d’établir des filiales dans les paradis fiscaux ? Et ne devrait-elle pas renégocier les conventions fiscales internationales avec les pays dont les taux d’imposition sont trop bas ?

Alain

Alain

Tag(s) : #Paradis Fiscaux, #EvasionFiscale

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